Au-dessus d’un immeuble de trois étages
Aujourd’hui, en France, en matière de détention de patrimoine net, le rapport entre les 10% les plus modestes et les 10% les mieux lotis est de 1 à 315[1]. Rapporté à une hauteur, les premiers sont à 3 centimètres, les seconds au-dessus d’un immeuble de trois étages.
Au même moment, l’INSEE[2] indique que les ménages propriétaires d’au moins 5 logements représentent 3,5 % des ménages, mais détiennent 50 % des logements en location possédés par des particuliers.
Comment corriger ces inégalités pour plus de justice sociale ?
Le patrimoine, toujours plus d’inégalités
Commençons par une comparaison historique : en 1985, le patrimoine d’entrée dans le 1% des Français les plus riches représentait 36 années de revenu médian, 70 ans en 2014[3].
Après une période de reflux tout au long des Trente Glorieuses, les inégalités de patrimoine sont reparties à la hausse à partir des années 1980 dans la plupart des pays du monde.
Ce phénomène dit de « repatrimonialisation » se traduit par l’aggravation de la répartition du patrimoine : il y a ceux qui ont beaucoup et ceux qui n’ont rien.
Pourquoi s’en inquiéter ?
Soyons clairs : la constitution d’un patrimoine à l’échelle d’une vie n’est pas en cause. C’est lorsque le patrimoine se transmet et croît de génération en génération qu’il devient une rente qui menace l’égalité des chances.
Car les inégalités de patrimoine favorisent les inégalités de revenu et de succès scolaire ou professionnel : on retrouve une très forte majorité de possédants parmi les diplômés, les entrepreneurs et les innovateurs.[4]
L’inégalité de patrimoine : un choix profondément politique
Comme je l’ai écrit dans mon dernier ouvrage, « Cultivons le Je démocratique », des solutions existent.
Une première solution serait d’instaurer une plus forte progressivité de l’impôt sur les hauts revenus et, surtout, de muscler les droits de succession.
La fiscalité sur l’héritage et les successions doit être plus forte pour être plus juste. La manne fiscale ainsi dégagée permettrait de financer l’instauration d’un Revenu Universel Garanti qui offrirait à ses bénéficiaires davantage de sécurité, mais également davantage de liberté pour envisager une transition professionnelle sereinement, prendre son risque et tenter sa chance.
Ce Revenu pourrait être complété d’une deuxième solution : un chèque « lancement dans la vie active ».
Ce dispositif est destiné à offrir aux jeunes sans patrimoine un capital de départ dans la vie. Financé par une hausse progressive de la fiscalité sur les héritages pour les patrimoines supérieurs à 1,5 ou 2 millions d’euros, il serait versé à tous les jeunes dès la fin de leur formation initiale. On peut imaginer une dotation de 15 000 à 50 000 euros en fonction des nouvelles recettes fiscales.
Pour citer un extrait de mon ouvrage, « ce serait une façon de redémarrer l’ascenseur social. Et ce chèque pourrait satisfaire à la fois les tenants de la justice sociale et ceux qui plaident pour le mérite républicain, car ce dernier serait moins faussé. Les libéraux pourraient y trouver certains attraits car cela pourrait faciliter l’esprit d’entreprendre chez les jeunes. Ils pourraient même qualifier ce dispositif de mesure antitrust des patrimoines. »
C’est pourquoi il s’agira moins d’une assistance que d’une liberté et d’une sécurité pour nos jeunes générations.
C’est, j’en suis profondément convaincu, le tournant que doit prendre notre nouveau contrat social pour répondre aux inégalités et aux injustices qui minent notre idée d’un destin commun.