Reste à vivre ou restes pour vivre ?

 

Les frustrations d’une vie en pointillés

Pour beaucoup de nos concitoyens, la question centrale n’est pas culturelle ou identitaire mais bien sociale : c’est celle du pouvoir d’achat. Depuis de trop nombreuses années, ils se sont résignés à vivre en appréhendant la fin du mois dès le 15 et en redoutant le déclassement de leurs enfants. C’est la vie en pointillés.

On a longtemps cru que la fatigue d’une vie d’épreuves, de privations et d’incertitudes concernait uniquement les plus précaires : les personnes touchées par l’invalidité, le chômage long ou les travailleurs pauvres.

Mais, les soubresauts sociaux et politiques de ces dernières années l’ont montré : la peur du lendemain et les frustrations d’une vie en pointillés gagnent désormais des pans de la population que l’on croyait jusqu’alors épargnés.

Le « reste à vivre » ou les restes pour vivre ?

Dignité, sens du travail, cohésion sociale…, la question du pouvoir d’achat recouvre de nombreux enjeux incontournables pour notre devenir.

C’est pourquoi, en cette rentrée, à l’approche d’échéances électorales que je souhaite voir se concentrer sur les sujets qui importent aux Français, j’en appelle à une mobilisation nationale autour de la question du « reste à vivre », à savoir ce qui reste sur le compte en banque de nos concitoyens après les dépenses incompressibles. Le « reste à vivre » ne peut être « les restes pour vivre ».

État, collectivités, entreprises et partenaires sociaux : utilisons cette période de reprise de l’activité pour mettre au cœur du débat public la question des conditions d’une vie digne et foisonnons d’idées pour améliorer le reste à vivre de nos concitoyens.  

Une batterie de propositions pour parer aux urgences et préparer l’avenir

Je veux ici égrener quelques propositions, non-exhaustives, pour contenir le coût de la vie et assurer les conditions d’une meilleure rémunération du travail :

  • Faire prendre conscience aux patrons de la nécessité d’augmenter les salaires. Les pénuries de main d’œuvre que traverse actuellement notre économie ont lieu en majorité dans des secteurs pratiquant de faibles rémunérations. Au lieu de le déplorer ou de nous en étonner, proposons une solution simple : l’augmentation des salaires.

  • Demander à l’État de respecter un principe d’exemplarité en matière de rémunération. Le travail précaire est loin d’être l’apanage du secteur privé. Faiblesse des rémunérations, augmentation du nombre de contractuels et de contrats courts : l’emploi public est également touché par une précarité dommageable pour la santé des travailleurs comme pour la qualité du service public.

  • Mettre en place une prime destinée à couvrir tout ou partie des dépenses pré-engagées (loyer, électricité, abonnements divers) des ménages les plus en difficulté. Une récente étude publiée par France Stratégie[1] a montré que de nombreux ménages ont le sentiment, à revenus constants, d’avoir perdu en pouvoir d’achat. La raison tient à ce que la part des dépenses pré-engagées (loyer, électricité, abonnements divers) n’a cessé d’augmenter ces dernières années, prenant à la gorge les ménages les plus en difficulté.

  • Supprimer la TVA sur les produits de première nécessité. Mesure de justice sociale par excellence, ce geste fort, à la fois symbolique et concret, permettrait d’offrir aux plus en difficulté de quoi consacrer une part plus importante de leurs revenus à des dépenses choisies et non plus uniquement contraintes.

  • Inciter les entreprises à réinternaliser les emplois précaires externalisés ou sous-traités. Les entreprises sont pleinement actrices de la vie de la Cité. En ce sens, leurs décisions génèrent des externalités porteuses de coûts pour la collectivité. Le processus d’externalisation de certains métiers dans les années 1980 a, par exemple, conduit à une réduction de la rémunération et une précarisation des travailleurs, là où ils étaient auparavant employés par les entreprises.

  • Soutenir plus largement les salariés désireux d’entamer une nouvelle formation. Permettre aux salariés d’acquérir de nouvelles compétences et de s’adapter aux évolutions du marché du travail est un des moyens les plus efficaces de renforcer leur pouvoir de négociation à l’embauche. Encore trop souvent, se lancer dans une nouvelle formation est perçu sous l’angle du coût et du risque : je propose à l’État d’ôter cette barrière financière et mentale en finançant les individus tout au long de la formation.

  • Reconsidérer le rôle du salaire pour en faire un levier incitatif. De meilleures rémunérations permettent d’augmenter l’engagement et la contribution des salariés au fonctionnement de l’entreprise.

[1] https://www.strategie.gouv.fr/publications/depenses-pre-engagees-pres-dun-tiers-depenses-menages-2017

Partager :

 
Précédent
Précédent

Ce qu’il nous reste à faire pour le reste à vivre

Suivant
Suivant

Plateformes : libérer et réhumaniser